La blanche fête des noirs.
« La nuit sera blanche et noire qu'ils disaient à Bordertown, quelle bande d'hypocrites! La loi contre l'esclavage venait d'être mise au goût du jour, et nous, anciens esclaves, on devait fêter ça avec ces porcs. Après s'être fait mutiler, abuser, et j'en passe on devait faire semblant de pardonner en buvant un coup avec ces pourritures » . Un grand moment de silence s'installa avant que Jericho ne reprenne sur un ton plus clame. « Bon je vais m'arrêter là les gars, j'ai pas envie de m'éterniser trop longtemps sur le sujet, bonne nuit. »
Le vieil homme à la barbe blanche cracha sa chique, puis laissa les autres autour du feu. Ils étaient tout comme lui, noirs, la misère sur la peau, avec, pour seule étincelle de vie, une lueur accablée par la fatigue au fond des yeux. Jericho Broodston était une vieille carne de plus de cinquante ans traînant sa carcasse aux quatre coins du pays, cherchant à échapper à son passé, son présent et son futur. Il cala son dos courbé et fragilisé par le temps contre un arbre, gardant une main à l'intérieur de sa veste, caressant doucement du bout de ses frêles doigts la crosse de son revolver. Il se préparait à revivre comme chaque nuit, la blanche fête des noirs comme il l'avait baptisée. Ses yeux se fermèrent doucement, laissant quelques larmes couler sur ses joues, confiant sa vie aux étoiles qui veillaient sur lui....
Des chants, et de délicieuses odeurs de bœuf grillé se répandaient dans les rues, taquinant les enfants, aujourd'hui était une grande journée à Bordertown . La réconciliation était en marche! Un grand feu brûlait au centre de la ville, les chaînes d'anciens esclaves étaient lancées à l'intérieur, tandis qu'on invitait les quelques silhouettes qui, n'étant pas habituées à leur nouveau statut . Elles longeaient telles des ombres les murs illuminés de la ville. Jericho était en fin de troupeau, il avait quinze ans il traînait des pieds rongeant son frein, cachant ses yeux sous un chapeau de paille. Laissant son père guider le groupe qui ne pouvait s'empêcher de flairer quelque chose de mauvais, malgré les jeux, distractions, ou autres lampions multicolores . Les blancs souriaient. Ils souriaient beaucoup trop pour des badauds qui vivaient dans la poussière, et la pourriture tous les jours.
Joey qui était un optimiste né, avait mis sa plus belle chemise à carreaux, ainsi que son chapeau le plus classe que son grand père lui avait cédé avant de mourir dévoré par des porcs qu'ils avaient oublié de nourrir. Son sourire, d'une blancheur incroyable, fut accompagné d'une tape dans le dos de l'enfant sur les nerfs:
« Hey petit, arrête de faire la tête! Nous sommes libres, les blancs essaient de se racheter profites- en! Puis regarde ! On a des places qui nous sont réservées! Aurais-tu imaginé cela possible il y a quelques années? Des places réservées pour des gens comme nous! Allez petit, oublie le passé, et cantonne toi au présent!
-Ouais, Jericho n'était pas très bavard et préférait garder ce qu'il pensait pour lui. Nous verrons bien, finit-il. »
Ils prirent placent devant les premières tables autour du feu, puis commencèrent à profiter des festivités. La journée fut longue, mais le repas arriva finalement, alors que le soleil était sur le point de se coucher. Des bougies, et des torches furent allumés pour l'occasion, ainsi que quelques drapeaux sudistes pour marquer le coup. Ils baignaient dans cette chaude lumière qui semblait les protéger de tout. Mais alors que le repas était annoncé, toutes les flammes qui faisaient vaciller le peu d'espoir dans cette obscurité malsaine s'éteignirent laissant place à des coups de feu et des hennissements terrifiants. C'était un piège, tout se passa très vite, il ne restait plus que le grand bûcher dans lequel, hommes, femmes, et enfants noirs étaient lancés, leurs cris étaient abominables aux oreilles de Jericho qui avait réussit à se faufiler sous une terrasse. Après deux heures de massacre, Jericho qui n'avait pas pu fermer les yeux un seul instant entendit une discussion entre le shérif et un homme qui avait l'air important:
« Si on ne peut plus en faire des esclaves ils n'ont rien à faire parmi nous, puis les chasser aurait condamner une autre ville à devoir accueillir cette bande de sauvages chez eux. Non croyez-moi, nous en débarrasser ainsi était la meilleure chose à faire.
-Si vous le dites, en revanche va falloir vivre avec cette odeur pendant combien de temps?
-Elle vous dérange? Moi je la trouve presque agréable, l'odeur du négrillon grillé au petit matin. Il n'y a que ça de vrai, Franck!
-Il sentent toujours meilleur morts que vivants... ».
Ils éclatèrent de rire en partant, laissant la grande place se vider, avec ce feu qui s'éteignait petit à petit dévorant la chair des victimes ayant commis pour seuls crimes d'être noirs et de faire confiance. Laissant l'ombre encercler cette faible lumière. Jericho, très discrètement, sortit de sa cachette, utilisant les ténèbres pour se déplacer, avant de se laisser tomber devant le foyer. Joey était en train de rôtir, mais étrangement comme si il le voyait, cet énergumène souriait à pleines dents, tendant son chapeau à l'extérieur du brasier. Essayant d'éviter de regarder l'homme dans les yeux, il le prit, il était pratiquement intact, puis vola un cheval avant de fuir au loin. L'obscurité lui offrant tout le couvert dont il avait besoin.
Le soleil se levait, et Jericho ouvrait de nouveau les yeux, les joues marqué par les larmes qu'il avait versé toute la nuit comme d'habitude. Il se leva, s'étirant de tout son long, grattant sa barbe blanche, tout en regagnant le centre du convoi. Comme prévu ils étaient tous là, armés jusqu'aux dents, en selle, et prêt à donner tout se qu'ils avaient. Des années qu'il avait concocté sa revanche. Il monta en selle à son tour, arme au poing puis pointa de son arme la petit ville qui baignait dans la rayonnante lumière du soleil:
« Les blancs de Bordertown ont massacré mes amis une nuit, en utilisant la fourberie, et en laissant leur cœurs corrompus par l'obscurité guider leurs actes! Malgré leur blancheur de peau ils ont commis des crimes atroces, dans tous les contes, toutes les légendes, le noir représente le mal! »
Il scruta le visage de chacun des cavaliers, pendant un bref moment avant de reprendre:
« Mais je vous l'assure, tout cela est faux, les couleurs et les symboles ont mené leur peuple à la haine. Donc, nous en finirons avec cette racaille dans un contre symbole. Nous les noirs attaquerons de jour et les tuerons en combattant! N'oubliez jamais! La lumière et l'ombre n'ont que les valeurs qu'on leur donne, donnons au noir la valeur qu'il mérite! Mes frères, bonne chance! »
Un cri de guerre suivit d'une meute de cavaliers chargèrent Bordertown, la bataille dura des heures, et se termina réellement pour Jericho bien après. Il chevauchait sa monture dans le désert, se tenant étrangement le ventre, martelant le flanc de sa monture qui courait à toute allure! Quand enfin dans ce blanc désert de sable, il aperçut sa victime. Le dernier survivant, ils avaient laissé Jericho s'enfuir et ils le payaient aujourd'hui, il était hors de question de faire la même erreur. Tendant le bras et alignant sa cible il martela la gâchette de son arme, n'arrêtant qu'une fois le barillet vide. Le soleil se couchait à l'horizon, laissant la lune éblouir de sa blancheur le sable. Jericho était perché au dessus du corps du fuyard, une étoile sur la poitrine, et une grosse tâche de sang noircit imbibant la chemise. Jericho fit quelques pas en direction de sa monture, avant de se laisser tomber dans le sable, une énorme tâche de sang noir au dessus de la ceinture.
Et pour le première fois de leur vie, ils étaient semblables, ils n'étaient plus le négro ou le porc, ils étaient deux cadavres décomposés par la chaleur du soleil, et dévorés par les morsures du sable. Deux squelettes blanchis par la chaleur du soleil, et voilés au monde par l'obscurité de la nuit.
Note:
Voilà une nouvelle que j'ai écris, et j'aimerais votre avis sur cette dernière sur tout les points qui pourraient vous intéressez. A travers cette nouvelle j'aimerais savoir si j'ai réussis à améliorer mon niveau d'écriture! Tout commentaire constructif, inutile, dévastateur, ou sympa est le bienvenue en espérant que vous aurez appréciés la lecture!