Les Remparts

Les remparts de Therheim étaient moins imposants que ce à quoi l'on était en droit de s'attendre d'une ville de cette taille. Un mètre de maçonnerie seulement séparait l'intérieur de l'extérieur, bien peu de chose quand l'on observait la richesse de la cité. Néanmoins avaient-ils été construits avec un certain talent.
Tous les vingt-cinq mètres, un contrefort intérieur renforçait la structure, en plus de servir de support au plancher agrandissant le chemin de ronde, qui faisait environ deux mètres de large. Un imposant parapet à créneaux était bâti pour protéger les tireurs postés sur le mur.
De plus, tous les cent-cinquante mètres, des tourelles en saillies dotés de meurtrières permettaient de faire feu sur les attaquants. Néanmoins, sans doute par souci d'économie, les dites tourelles possédaient des murs bien plus fins que les remparts, et menaçaient donc se s'effondrer au premier tir d'armes de siège (si tant était que les barbares qui constituaient l'armée d'en face possédaient de telles armes).
Les remparts étaient également entourés d'un profond fossé dont le fond était hérissé de vieilles lances, épées et autres armes pointus qui avaient été à moitié enterré.
Enfin, trois portes principales permettaient l'entrée et la sortie de la ville, toutes trois défendus par un corps de garde solidement bâti, une double porte épaisse en chêne ainsi qu'une herse d'acier forgé. De quoi résister à une horde barbare fumants. Ceci dit, les nordiques n'alignaient pas que des hommes dans leur rang.

La troupe était arrivés depuis quelques minutes, et Akeyras observait déjà les lieux de son regard de tacticien expert, aidé par son frère et sa sœur. Danifae restait légèrement légèrement à l'écart, réfléchissant à tout autre chose, concernant des notions ésotériques abstraites.
Elle savait que les nordiques comptait parfois dans leur rangs de puissants chamans, et cela risquait de sévèrement compliquer la tâche aux Aigles d'Acier.
Après tout, les trolls et autres monstres ne pouvaient ouvrir de brèche qu'à un seul endroit, les portes, le fossé les empêchant de trop s'approcher des murailles et gênant de toute façon l'avancée ennemie. Mais un mage talentueux pourrait sans doute ouvrir plusieurs brèches dans les murs et reboucher les fossés en quelques sorts, offrant alors à ses troupes beaucoup plus de libertés d'actions.
Et elle manquait de sorts ayant une portée et une précision assez élevé pour abattre un tel mage depuis les remparts. Il lui faudrait donc, si le cas se présentait, aller combattre elle-même, et de près, le mage barbare. Ce qui n'était passablement pas très malin d'un point de vue tactique, elle n craignait pas d'affronter une dizaine de nordiques, mais 5 fois plus commenceraient à lui poser de réels soucis.

Elle se rapprocha du trio de commandement, qui inspectait toujours les remparts et les terres au delà dans une certaine mesure.

-Alors, comment envisagez-vous les choses ?

Akeyras se permit de répondre quelques secondes plus tard après que Danifae lui ait posé une question, plus pour finaliser son analyse tactique que par dédain pour la magicienne qui oubliait son rang dans la hiérarchie, mais ce ne fut pas à son amante qu'il parla :

- Krylla ?

La jeune soeur du capitaine tourna son regard bleu azur vers son frère, son visage toujours aussi...froid.

- Il y'a assez de bois épais et de collines dans les environs de la ville pour que je puisse y dissimuler mes archers et attaquer l'ennemi par surprise, de jour comme de nuit. Ma première tache sera de repérer l’arrivée de ces bâtards, puis de les ralentir jusqu'à l'arrivée de ta troupe Akeyras.

Comme à son habitude, Krylla n'avait fait aucune mention des milliers de vies à sauver, mais bien des milliers de types qui allaient mourir.... Akeyras s'inquiétait pour sa soeur, elle aurait pu faire une parfaite épouse pour un noble des principautés, si ce n'était sa froideur et sa soif de sang, qui étaient maintenant de paires avec la réputation de la compagnie. De sombres histoires couraient à son propos, mais son frère préférait ne pas entendre parler pour le moment.
Il reporta son attention sur son frère, Egel, simplement revêtu d'une cotte de mailles et armé d'une épée. Il n'avait pas vraiment l'air d'un combattant, car il lui manquait cette assurance froide des tueurs. Il avait déjà tué, mais il n'aimait pas ça. Akeyras le trouvait un peu trop sensible, mais Egel était un atout précieux pour ses talents de tacticiens, et rien que pour ça, il méritait sa place. Au regard qu'affichait son frère, Akeyras comprit qu'ils partageaient tous les deux les mêmes inquiétudes au sujet de Krylla.

- Egel ?

Le tacticien se retourna vers son commandement, aussi droit que la plus droite des droites, et il répondit de son ton calme :

- Défendre cette ville par les remparts sera aisé, à moins que l'ennemi ne nous prépare quelques surprises. Nous pouvons compter sur Krylla et ses éclaireurs pour nous prévenir de la menace, et sur Danifae pour d'autres. Il faudra compter sur la milice avant l'arrivée des Aigles d'aciers.

- Certains d'entres eux sont déjà là, interrompit Krylla.

Akeyras se retourna vers sa soeur, il connaissait déjà la réponse à sa question mais la posa tout de même :

- J'imagine que ce sont les tiens et qu'ils ont une fois de plus désobéis à mes ordres de suivre la compagnie et de la couvrir ?

- Ils sont bien plus utiles ici, fut tout ce que répondit Krylla, toujours aussi froide, regardant son frère dans les yeux. Le duel des regards dura une longue minute, dans un silence pesant au sein de la fratrie. Finalement, Akeyras y mit fin d'un geste ordonnant à sa soeur de se soumettre.

- Reprends tes observations Egel, ordonna Akeyras. Tout en écoutant son frère qui discutait de la répartition des hommes sur les remparts, de la possibilité de noyer les fossés et le danger de la mer, le capitaine regardait sa soeur, qui s'était éloigné du groupe, visiblement furieuse. Elle était devenu un problème ces derniers mois, et tout problème devait être réglé....

Une fois qu'Egel eut fini et que Krylla fut revenu de sa "promenade", Akeyras fit part de sa propre analyse :

- Nous ne possédons pas le commandant de la milice locale, et nous ne pouvons prendre de décisions au sujet des fosses. Le commandement relève du capitaine de la garde du seigneur Pyrus, Alexander Von Burfhen, un ancien de l'Empire. Les décisions devront être conjointes et j'ai peur de ne pas avoir mon mot à dire dans toutes les décisions. Une fois de plus, nous allons devoir partir du principe que nous combattrons seuls. La plus grande menace viendra du port, si les navires nordiques passent le barrage, ils pourront se déverser dans la ville. Je vais laisser quelques troupes mobiles à l'intérieur de la ville, afin qu'elles puissent renforcer les murs, ou si besoin est, sécuriser le port ou une des portes. Nos archers seront naturellement sur les murs, aux points clés près des portes. Je ne veux pas que la milice se croit à l'abri de tout. Nous ne serons pas assez nombreux pour défendre l'ensemble de la ville, surtout si une partie de nos hommes sont à l'extérieur. Il reste une semaine avant l'arrivée des Aigles d'aciers. Nous verrons à ce moment là avec Alexander.

Akeyras s'arrêta et regarda les autres chacun leur tour, puis reprit :

- Vous avez quartier libre jusqu'à ce soir, nous nous retrouverons à la table du seigneur Pyrus.

Danifae écouta Akeyras avec une moue vexée, il ne lui avait même pas prêter attention. Elle détestait cela. Non pas qu'elle soit encore habitué à sa prestance de résidente du couvent -vu qu'elle n'en était de toute façon quasiment jamais sortis avant son évasion et qu'elle ne criait pas sur tous les toits son appartenance au couvent une fois évadée- mais elle déteste passer en second plan, et surtout de la part d'Akeyras.

Elle s'était toutefois fait une raison et alla s'appuyer contre un des créneaux, le regard vague tout en écoutant attentivement le plan de bataille qui se formait sous ses yeux. Apparemment ils redoutaient une attaque navale, il lui faudrait prévoir de quoi passer du port au mur rapidement. Elle irait reconnaître les lieux cet après-midi, il fallait toujours mieux connaître précisément un lieu pour une téléportation rapide.

Les trois commandants avaient finis de discuter quand Danifae parla, toujours appuyé contre le mur, ses pagnes battant contre ses jambes à cause du vent.

-Il serait plus prudent d'éviter de noyer les fosses.

Egel et Akeyras se retournèrent en même temps, alors que Krylla ne lui prêtait aucune attention.

-Et pourquoi donc ? Demanda le tacticien.
-Les nordiques auront possiblement dans leur rang des chamans, et vu le milieu où ils vivent, il serait étonnant qu'ils ne possèdent pas un ou deux sorts élémentaire de glace. Ils pourraient alors facilement geler l'eau et ainsi permettre un accès facilité à leur troupes. Je n'ai malheureusement aucun sort de dissipation et je ne pourrai peut-être pas tous les tuer avant qu'ils arrivent à portée d'incantation.

Krylla choisit ce moment pour intervenir.

-Mais ils seront alors à portée de flèche.
-Je doute que vos hommes n'aient que ça à faire de chercher celui qui bat des bras au milieu d'une horde de barbare furieux.
-Il suffit. Danifae a pour charge de s'occuper des chamans ennemies, pas tes archers Krylla. Pour ce qui est d'inonder les fosses, nous y réfléchirons ultérieurement.

Akeyras avait mis fin à la discussion avec son efficacité coutumière. Danifae se fit la réflexion qu'il n'était pas chef pour rien, quand il parlait, tous l'écoutaient. Plus ou moins. Krylla était d'ailleurs plutôt dans le moins, ce qui ne déplaisait pas à la sorcière, l'inimité entre les deux femmes était bien connue parmi les mercenaires.

Jugeant inutile de plus s'attarder à cet endroit, Danifae se mit à arpenter les remparts, volant plus que marchant, et mémorisa l'apparence des trois corps-de-garde. Elle traça même une rune naggarythe dans le sol de chacun, un signe distinctif qui ne ferait que faciliter le voyage par téléportation.
Elle quitta ensuite les remparts, déambulant dans les rues en direction du port de la ville, où elle prendrait quelques marques distinctives. Il était important pour elle de s'assurer une bonne mobilité.

[Suite dans Le port]

Keldan était assis entre les créneaux des remparts, regardant l'horizon avec mélancolie, le soleil allait très bientôt se coucher. Les barbares pouvaient arriver n'importe quand, de plus le solitaire n'aimait pas trop la compagnie des miliciens qui était arrivés. Ils étaient froid, armé, et semblaient ne pas être commode, les guerriers parfait. Les remparts n'étaient pas très épais, mais l'organisation semblait compenser ce manque de solidité. Personne n'avait encore remarqué Keldan, il était une ombre longeant les murs, attendant son heure pour venger ses frères. les soldats semblaient l'ignorer, tant mieux pour lui, ça lui facilitait la tâche ne pas avoir à justifier le moindre de ses actes ou gestes.

Il ne savait pas quand ils allaient arriver, mais le survivant les attendait avec impatience, et s’il le pouvait il tenterait d'achever ce qu'il a commencé. Tuer leur chef serait pour Keldan le meilleur moyen de se venger, ensuite peut être se donnerait-il la mort, ou mourait-il en combattant. Mais il était sur d'une chose, il ne périrait pas avant eux, pas avant que les chiens du nord n'aient payés.

L'imposant combattant partit en direction d'une auberge, il devait dormir un peu avant le combat. Il espérait pouvoir dormir tranquillement, sans que personne ne vienne essayer de le voler, ou tenter de le tuer dans son sommeil pour de l'argent.